« Aujourd’hui, je fais confiance et je me fais confiance »
Après quatre ans sous la violence verbale d’un conjoint pervers narcissique, Nathalie réapprend à vivre sans peur. Portée par l’amour de son fils et par sa confiance en l’avenir, elle avance un jour après l’autre vers un quotidien plus lumineux, accompagnée par La Maison des Femmes.
Bonjour Nathalie, pouvez-vous nous raconter votre histoire ?
J’étais mère célibataire quand j’ai rencontré un homme, j’avais une quarantaine d’années. Au début, tout était merveilleux. Puis les accès de colère ont commencé. Petit à petit, il m’a placée en position d’insécurité, comme si le monde extérieur était dangereux et que lui seul pouvait m’en protéger. Je me suis mise à douter de ma capacité de réflexion et de décision. Puis il m’a fait comprendre que je n’avais pas besoin de travailler, et je suis rentrée dans un système dans lequel il avait le contrôle sur tout ce que je faisais. Au fil du temps, je suis devenue son bouc émissaire, son défouloir, sa chose. Et les crises sont allées crescendo, aggravées par la consommation d’alcool, jusqu’à toucher directement mon fils. Le lendemain, il y avait les excuses, la gentillesse, comme un chien qu’on récompense après l’avoir battu. Pour survivre, je vivais dans un brouillard, comme anesthésiée. Je pensais être celle dont il me renvoyait l’image. Mon propre miroir était brisé, je ne savais plus qui j’étais.
Quel a été le déclencheur pour sortir de cette situation ?
Il y a d’abord eu une amie qui, me voyant dépérir, m’a envoyé un article sur la manipulation. Je me suis reconnue dans cette interview. Il m’a fallu un an pour accepter que je vivais de la violence conjugale. J’ai eu besoin de temps pour prononcer ces mots, pour réaliser que personne n’avait le droit de me traiter comme ça. Puis, les derniers mois, j’ai commencé à tenir un journal dans lequel j’écrivais mon quotidien. Le relire me permettait de prendre du recul. Je me suis demandé comment je pouvais tolérer ça pour moi et surtout pour mon fils, qui a été le vrai déclencheur. Un jour, il m’a dit qu’il ne pouvait pas continuer comme ça. La peur pour notre intégrité physique m’a poussée. Mon fils nous a sauvés tous les deux.
Comment avez-vous réussi à partir ?
Je ne suis pas partie, j’ai fui ! Il partait pour quelques jours, j’ai attendu une heure par sécurité après qu’il a claqué la porte, puis j’ai prévenu mon fils et j’ai fait les valises. J’ai appelé un membre de ma famille, je me suis expliquée, on est venu me chercher. Dès que je suis partie, j’ai eu l’impression de respirer, littéralement, de ne plus être en apnée.
Avez-vous été aidée par une association ?
Au début, non, parce que j’avais honte. Je croyais que j’en faisais trop. Avec le recul pourtant, je conseillerais sans hésiter de le faire. Parler à des proches est une bonne chose, mais il est souvent plus facile de parler à un tiers qui ne vous connaît pas, ne vous juge pas et comprend avec davantage d’objectivité ce que vous avez vécu. Les associations permettent justement de désamorcer cette culpabilité et de retrouver sa légitimité en tant qu’humain.
Avez-vous porté plainte ?
Oui. Il m’a fallu du temps, par peur et parce que je n’avais pas envie de me replonger là-dedans. Mais je pense que ça fait partie du processus de reconstruction. J’ai porté plainte pour nous protéger, mon fils et moi, pour qu’il ne puisse plus nous approcher. D’autant qu’une psychologue et un policier me l’ont très vite affirmé, avec ce genre d’individu, persuadé d’être au-dessus de tout, la justice est le seul rempart.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Je recolle les morceaux de mon miroir brisé pour retrouver qui je suis. Pour l’instant, je continue à serrer les dents pour m’occuper de mon fils et avancer. Quand j’aurai acquis une certaine stabilité, je m’accorderai le temps de penser à moi. Mais j’ai déjà retrouvé ma liberté. Je redécouvre le sentiment d’une journée normale, sans avoir peur, à sourire, discuter avec d’autres, faire ce que j’ai envie de faire, et ça n’a pas de prix. Aujourd’hui, je fais confiance et je me fais confiance : le problème, c’était lui. Pas moi, ni les hommes. Seulement lui.
Qu’aimeriez-vous dire à d’autres femmes dans votre situation ?
Parlez ! Prendre le risque vaut la peine. Même avec la peur et l’incertitude, contactez des associations, exprimez ce que vous vivez, ce que vous avez sur le cœur. Vous mettrez le temps qu’il faudra pour partir, mais commencez par accepter que ce que vous vivez n’est pas tolérable. La violence n’est pas de l’amour. Vous avez le droit d’être traitée comme un être humain. Vous avez le droit au respect de votre intégrité physique et psychologique. Vous avez le droit de dire non. Vous avez le droit de vivre, d’être aimée et respectée. Des lois existent pour vous protéger.
Victimes ou témoins de violences faites aux femmes, des solutions existent.
- Le 3919,
- ArretonsLesViolences.gouv.fr,
- Et, en cas d’urgence, le 17 ou le 114 par SMS.