« Il y aura toujours quelqu’un pour vous tendre la main »
Enseignante passionnée par son métier, Laurence est une femme heureuse, mariée depuis vingt ans et mère de deux enfants. Une nouvelle vie qu’elle a construite après la violence et les dénigrements auprès d’un conjoint abusif.
Laurence, quel est votre parcours ?
J’ai rencontré mon mari quand j’avais 18 ans. Il en avait 23, nous étions voisins. Nous nous sommes installés très rapidement ensemble. Je ne m’en suis pas immédiatement rendue compte, mais au fil des années, il a fait le vide autour de moi. Au début, les violences étaient psychologiques, il décidait de tout, de ce que je devais porter ou de qui je devais voir, me dénigrait constamment. Puis nous avons eu une petite fille. À sa naissance, j’ai commencé à changer. J’avais de nouvelles responsabilités, je m’affirmais, je devenais femme. Il perdait son emprise, ce qui ne lui a bien évidemment pas plu. Il me rabaissait en permanence, me trompait, et je savais déjà que je ne voulais pas voir ma fille grandir dans un tel climat. J’avais perdu ma joie de vivre, je ne rentrais que pour elle et même là, l’ombre de mon mari pesait sur chaque instant heureux. Puis est arrivée la première gifle, tellement inattendue que je n’ai pas compris. Il s’est excusé en pleurant et je lui ai pardonné. La deuxième fois, j’ai pensé que je ne voulais pas de cette vie, mais je suis restée. La troisième, il m’a frappée devant ma fille après l’avoir écartée violemment. Elle a aujourd’hui 22 ans, et s’en souvient encore. Quand elle s’est mise à hurler, le déclic a été immédiat. J’ai frappé mon agresseur en retour, il est parti. J’ai pris ma fille et je suis retournée chez mes parents. Je ne pouvais plus rester. J’ai déposé une main courante pour l’empêcher de m’accuser d’abandon du domicile conjugal, mais je n’ai pas porté plainte. Tout s’est ensuite enchaîné jusqu’au divorce.
Avez-vous parlé à vos proches ?
Pas immédiatement. J’ai d’abord prétendu que je ne l’aimais plus, mes parents n’avaient pas la moindre idée du fait qu’il m’avait frappée. Mon père est impulsif et j’avais peur qu’en voulant me défendre, il n’ait un geste qui aurait eu des conséquences sur sa vie, à lui. Mais quelques mois après, en plein divorce, j’ai rencontré quelqu’un. Ils avaient du mal à comprendre et j’ai fini par leur dire la vérité. J’ai aussi beaucoup parlé avec mon frère et ma belle-sœur dont je suis très proche. Et mon nouveau compagnon m’a beaucoup aidée. J’ai eu de la chance, j’ai un noyau familial soudé, mes parents m’ont accueillie à bras ouverts et m’ont soutenue à chaque étape, y compris financièrement, jusqu’à ce que je retrouve un appartement. J’ai avancé assez vite. Mais deux ans plus tard, alors que je m’apprêtais à m’installer à nouveau en couple, tout est remonté.
Comment avez-vous réussi à avancer ?
J’ai été suivie par une psychologue quelque temps, mais son approche ne me convenait pas, à ce moment-là. Elle voulait ressasser, je voulais avancer, elle voulait que je parle, je voulais échanger… J’ai abandonné alors que j’aurais sans doute dû creuser, mais j’étais à un tournant, j’ai choisi de le prendre. Et là encore, j’ai eu la chance de partager la vie d’une personne exceptionnelle. Je suis mariée depuis vingt ans, nous avons eu un enfant ensemble, ma fille va bien, j’ai fini par tourner la page. Je n’oublierai jamais mais cet épisode fait partie de mon passé, d’autant que cet homme reste le père de ma fille. Je suis enseignante, de ce fait je côtoie également des enfants dans des situations familiales difficiles, j’ai une obligation d’alerter.
Que pensez-vous des dispositifs d’écoute qui existent aujourd’hui ?
Je les trouve essentiels. Personnellement, je n’ai pas utilisé le 3919, mais je suis entièrement pour. Il faut parler de ces outils, dire aux femmes qu’ils existent, qu’il y a des personnes bienveillantes prêtes à les écouter sans jamais mettre leur parole en doute. Parce que c’est ce qui arrive beaucoup trop souvent. Les gens se basent sur le paraître, un sourire, un geste, un mot qui les rassure. Ils entendent ce qu’ils veulent bien entendre. Pourtant, personne ne sait jamais ce qui se passe derrière une porte fermée, et les personnes en souffrance savent généralement très bien donner le change. Au moindre doute, creusez, ne vous arrêtez pas à ce que vous voyez, ne vous contentez pas d’une seule version. Et quoi qu’il arrive, ne doutez jamais de ce que vous confient les victimes. Femme, homme, enfant, tous les appels au secours doivent être entendus.
Que souhaiteriez-vous dire à celles et ceux qui en sont victimes ?
Exprimez-vous ! Qu’elle soit psychologique ou physique, la violence n’est jamais normale, il ne s’agit pas d’amour. Quand on aime une personne, on la valorise. Et si vous en avez besoin, il y aura toujours quelqu’un pour vous tendre la main.
Victimes ou témoins de violences faites aux femmes, des solutions existent.
- Le 3919,
- ArretonsLesViolences.gouv.fr,
- Et, en cas d’urgence, le 17 ou le 114 par SMS.